Vertige
Minuit. L'été. Dehors, il fait frais.
Le ciel est dégagé. La nuit au loin se tait.
Nous sommes peut-être mille à regarder le ciel,
A nous émerveiller de l'absence du soleil.
Tout brille au-dessus, comme une ville en feu,
Chaque point de lumière a l'air de rire un peu.
Nous sommes peut-être mille et pourtant je suis seul,
Mes yeux scrutant la nuit aussi loin qu'ils le peuvent.
Je me tais, je regarde. Je frissonne.
Je remonte mon col au vent frais qui me donne
Une image changeante, un sentiment de flou
De ce ciel qui tombe comme une poignée de clous.
Mes yeux dans la lumière de ces astres lointains,
Je sens un grand vertige qui me prend par la main.
Je tombe. Je tombe fatalement vers le haut
Et je suis emporté comme un simple fagot.
Je vole. Je vois au loin la Terre qui s'éloigne de moi,
Je me sens repoussé par le bruit de mes pas.
Je ne sais pas comment mais je suis emporté,
Malgré toutes vos lois, Newton et Galilée.
Je sens mon corps qui flotte aux vagues du néant,
La Terre est une bille et je suis un géant.
Je bois à l'infini l'espace qui m'emprisonne
Et je me sens rempli de ce vide qui résonne.
Ma tête ne pense plus, mon corps est déserté
De tous les sentiments qui y ont habité,
Comme un bateau qui sombre dans l'éternité,
Et dont les passagers fuient la coque éventrée.
Devant moi, une grande lumière s'est levée
Comme pour guider mon vol, comme pour m'accompagner.
Le temps a cessé d'être, il est mort et me hante,
Dans cette nuit figée aux noirceurs aveuglantes.
Etait-ce il y a une heure ou bien une seconde ?
Qui pourrait me le dire, pas même la lune blonde.
Etait-ce un autre ailleurs qui m'avait envoûté,
Ou simplement là-bas, cette terre dégoûtée ?
Mais voilà que la nuit s'éloigne de moi,
Voilà que les étoiles ne guident plus mon pas.
Je me retrouve assis sur un morceau de pierre,
Ma bouche goûtant encore ce souvenir amer.
Voilà qu'autour de moi la vie reprend son cours,
Après un temps d'arrêt finissant à son tour
Comme se finit mon rêve dans cette indifférence
Dont seule ma mémoire peut détruire la présence.
Rêveur